Face à la diversité des profils cognitifs, de plus en plus d’organisations françaises adoptent des stratégies concrètes pour intégrer durablement les personnes neuro-atypiques : troubles du spectre de l’autisme, troubles DYS, TDAH, ou haut potentiel intellectuel. Loin d’ajustements ponctuels, ces démarches transforment en profondeur les méthodes de travail. L’objectif : permettre à chacun de contribuer pleinement, sans effort constant d’adaptation. L’inclusion devient alors un moteur d’efficacité à long terme, tout en affirmant un engagement fort pour l’équité.
À retenir :
- Les entreprises repensent leurs pratiques pour intégrer durablement les talents neuro-atypiques
- Des méthodes de recrutement innovantes permettent une évaluation plus juste des compétences
- Des adaptations simples dans l’environnement et l’organisation du travail améliorent la performance collective
Repenser le recrutement pour révéler tous les talents
Les processus de recrutement traditionnels peuvent freiner l’accès à l’emploi pour de nombreux candidats aux profils cognitifs atypiques. Des entreprises expérimentent désormais des alternatives pour mieux détecter les compétences réelles.
Le format classique de l’entretien oral favorise les personnes à l’aise dans les échanges verbaux, au détriment de celles dont les aptitudes se manifestent autrement. Pour contourner ce biais, certaines entreprises mettent en place des méthodes plus adaptées :
- Tests techniques en ligne pour évaluer les compétences directement liées au poste
- Entretiens asynchrones ou échanges écrits pour réduire la pression de l’oral
- Résolution de cas pratiques pour observer les capacités d’analyse et de priorisation
À la MAIF, certains recrutements reposent sur des mises en situation concrètes. Cette approche neutralise les jugements liés à la communication non verbale, tout en conservant un haut niveau d’exigence. Résultat : une évaluation plus équitable et des talents jusque-là invisibles peuvent accéder à des postes adaptés à leurs compétences.
Créer un cadre de travail plus apaisé
Les environnements bruyants, les sollicitations fréquentes ou l’excès de stimuli visuels peuvent freiner la concentration de nombreux collaborateurs, en particulier ceux présentant un TSA ou un TDAH. Des ajustements simples permettent de limiter ces obstacles.
- Plages horaires dédiées à la concentration, sans interruption
- Zones de calme dans les espaces partagés
- Outils de signalement du besoin de tranquillité (affichage, objets visuels, etc.)
La SNCF a mis en place, dans certaines équipes techniques, des créneaux “silencieux” où les interruptions ne sont autorisées qu’en cas de nécessité. Cette mesure améliore la qualité de la concentration et réduit la fatigue mentale, pour tous les collaborateurs. Des espaces de retrait temporaire, même informels, contribuent également à préserver la capacité de travail sur la durée.
Clarifier les règles du collectif
Le fonctionnement implicite des équipes – codes sociaux, attentes tacites, hiérarchies non formalisées – peut devenir source de confusion pour des personnes qui ne perçoivent pas naturellement ces signaux. Rendre explicites les règles de collaboration bénéficie à tous.
Chez Orange, des règles collectives clairement définies ont été instaurées. Elles portent notamment sur :
- La fréquence et la forme des retours donnés aux collaborateurs
- Les canaux de communication privilégiés pour chaque type d’échange
- Les habitudes d’équipe et les rituels partagés
Ce cadre améliore la lisibilité des interactions quotidiennes. Il limite les malentendus et renforce l’autonomie, sans contraindre les individus à deviner les attentes. L’ensemble de l’équipe bénéficie d’un fonctionnement plus clair et plus cohérent.
Faciliter les ajustements sans stigmatiser
De nombreux collaborateurs hésitent à demander des aménagements par peur d’être étiquetés ou de devoir fournir un justificatif médical. Pour briser ce frein, certaines organisations ont mis en place des dispositifs discrets et confidentiels.
Chez Thales, des référents spécialisés en diversité cognitive sont disponibles pour écouter les besoins, proposer des adaptations et coordonner leur mise en œuvre. Ce rôle :
- Permet un dialogue sécurisé, en dehors de la ligne hiérarchique
- Respecte la confidentialité des échanges
- Favorise des ajustements précis, adaptés à chaque situation
Ce canal alternatif lève de nombreuses barrières et permet de traiter les demandes avec souplesse, sans exposer inutilement les personnes concernées.
Valoriser les compétences spécifiques sans enfermer
Certains traits cognitifs atypiques – comme la pensée en arborescence ou l’attention au détail – peuvent constituer des forces dans des contextes précis. Les identifier permet de mieux les mobiliser, sans figer les parcours professionnels.
Dans les équipes data de Carrefour ou chez Safran, des collaborateurs ont été positionnés sur des missions d’analyse répétitive, en accord avec leurs préférences. Cette démarche :
- Respecte la volonté individuelle tout en valorisant les aptitudes spécifiques
- Évite l’instrumentalisation des compétences atypiques
- Optimise l’affectation des talents sur des tâches à forte valeur ajoutée
Ce positionnement ciblé permet aussi de renforcer les performances sur des segments clés, tout en laissant les portes ouvertes à de futures évolutions.
Accompagner les managers dans leur rôle
Les encadrants ne sont pas là pour diagnostiquer, mais pour instaurer un climat de travail souple et lisible. Des formations les aident à identifier les signes de difficulté et à ajuster leur posture.
Accenture France propose aux managers un programme de sensibilisation axé sur des cas concrets. Ces modules leur permettent de :
- Décoder des signaux faibles comme un retrait progressif ou une fatigue inhabituelle
- Modifier les consignes ou les rythmes de travail sans jugement
- Adopter une posture de soutien plutôt que de contrôle
Ces outils renforcent la capacité des managers à créer un environnement propice à la réussite de chacun, sans expertise médicale, mais avec une attention active et bienveillante.
Mettre en place des pratiques utiles à tous
Beaucoup de salariés ne disposent pas d’un diagnostic formel ou préfèrent ne pas évoquer leur singularité. Pour inclure sans distinction, certaines entreprises généralisent des pratiques bénéfiques à l’ensemble des équipes.
Chez Ubisoft, chaque réunion technique donne lieu à une synthèse formelle. Ce fonctionnement :
- Favorise la mémorisation et la compréhension des échanges
- Diminue les malentendus et les interprétations
- Renforce l’engagement des participants
D’autres outils, comme les plannings visuels ou les échanges asynchrones, complètent un environnement de travail plus lisible, sans cibler un profil particulier. Ces ajustements renforcent la performance collective tout en soutenant la diversité des modes de fonctionnement.
En intégrant les singularités cognitives dans leurs pratiques, les entreprises construisent des environnements plus justes, plus stables et plus efficaces. Une dynamique gagnante pour les individus comme pour les organisations.